C’est justement une histoire (vraie) « à la croisée des chemins » entre agriculture et santé. Celle que Thibaut Mékidèche, lecteur varois, nous a soufflé, « en toute humilité ». Cette aventure originale, ce trentenaire la vit avec sa compagne, Oriane Nachar, en plein cœur du Var.
Lui est un jeune pharmacien hospitalier, en poste au sein de l’hôpital public de Draguignan (qui l’a vu naître). Elle est radiopharmacienne à la Timone, à Marseille, où elle prépare les traitements de médecine nucléaire, administrés notamment contre les cancers. Depuis deux ans, en marge de ces missions très prenantes, le duo consacre son temps libre à l’oléiculture.
300 oliviers à Carcès
C’est en discutant avec des connaissances du village de Carcès, « un terroir très réputé pour les olives » où le couple a posé ses bagages, que Thibaut découvre l’existence d’une oliveraie de 300 arbres, appartenant à un Anglais. Le propriétaire veut passer la main, le couple mettre les siennes dans la terre.
Un deal est trouvé: ils l’entretiennent avant d’en devenir acquéreurs. « On est dans cette phase de transition », explique le pharmacien qui, avec Oriane, investit de l’argent dans ce projet riche de sens. L’année écoulée, le couple a ainsi récolté 800 kilos d’olives et en a tiré 120 litres, qui régalent pour l’heure familles, amis et collègues hospitaliers.
Sous le haut patronage d’Hippocrate
Ce que veulent bâtir Oriane et Thibaut, c’est un pont solide entre santé et agriculture. « L’aliment est ton premier médicament, dixit Hippocrate [père de la médecine], lance Thibaut. A l’hôpital, nous sommes témoins de l’explosion des maladies chroniques, des cancers. Or, en mangeant mieux (local, de saison, sans produits chimiques, moins de viande, plus de légumes), on peut éviter de nombreux problèmes. En cela, l’huile d’olive est très intéressante. Plusieurs études prouvent que les gens qui adoptent un régime méditerranéen ont une meilleure espérance de vie. »
Un aliment aux effets… de l’ibuprofène
Ce qui pique aussi la curiosité du pharmacien, c’est cette étude scientifique, publiée dans la revue Nature, décortiquant les vertus de l’oléocanthal. Une molécule présente dans l’huile d’olive extra-vierge, capable d’inhiber, à la manière de l’ibuprofène, les inflammations. Ainsi, avec le concours de l’illustratrice scientifique niçoise Julie Borgese, le couple a baptisé ses huiles Sapéol, « la santé par l’olivier ».
Apprentis paysans et soignants à plein temps
Dépierrer un terrain et construire des hôtels à insectes avec les cailloux, devenir refuge pour la Ligue de protection des oiseaux en installant des nichoirs, comprendre les essences d’arbres de la forêt qui jouxte l’oliveraie, en planter pour booster les services climatiques qu’ils rendent, enrichir le sol avec du fumier glané chez les éleveurs du coin, épaissir les haies, mettre en place des techniques d’agroforesterie… En suivant notamment des tuto, Thibaut et Oriane ont acquis de nombreuses compétences.
« On a de grosses journées à l’hôpital mais 9 semaines de vacances qu’on consacre beaucoup à l’oliveraie, comme nos week-end », dixit Thibaut qui fait souvent halte sur le terrain en allant au travail, entre 6h et 8h du matin.
Bientôt un labo de recherche in situ?
Sur l’oliveraie, ces soignants invitent aussi des collègues à faire fertiliser le projet de leur expertise. « Une amie pharmacienne botaniste et aromathérapeuthe est venue faire un inventaire de la biodiversité », se réjouit Thibaut qui nourrit un rêve. « Installer dans l’un des cabanons du terrain un mini-labo de recherche, avec microscope, etc. »
Le couple veut aussi tisser des liens avec des acteurs locaux du bien-manger. « Les chefs étoilés sont très en avance sur ce point. On aimerait créer un deal en troquant les déchets organiques d’un restaurant contre notre huile », lance le trentenaire.
Convaincre les pouvoirs publics du sérieux du projet
D’ici quelques années, Thibaut et Oriane, qui gèrent le terrain en fermage, espèrent l’acheter. « Nous avons l’accord du propriétaire. Mais la Safer [Société d’aménagement foncier, en charge de gérer les terres agricoles] a voulu préempter, car nous ne sommes pas agriculteurs à plein temps. Même si leur mission est noble, il faut comprendre aussi que la société évolue, qu’on ne devient pas uniquement agriculteur de père en fils et que nous avons aussi des choses à apporter », juge Thibaut.
Gageons qu’à Carcès un avenir fertile se dessine pour Sapéol, dont nous ne manquerons pas de vous tenir informés.
Vous souhaitez entrer en contact avec Oriane et Thibaut? Ecrivez-leur: contact@sapeol.fr.
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